Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Michaud, Andrée-A.

Mirror Lake. Éd. Québec Amérique, 2006, 335 p.

L'Appartenance du Québécois à la famille nord-américaine

Née près du lac Champlain non loin de Venise-en-Québec, Andrée A. Michaud a campé son roman près de chez elle dans le Maine, un état resté sauvage alors que l'étalement urbain grignote peu à peu la campagne. Qui n'a pas rêvé de s'acheter un chalet habitable l'hiver, situé sur le bord d'un lac tranquille, pour y vivre le dernier quart de sa vie, loin du rythme affolé de la cité, où on vit de plus en plus dans des condos comme les rats névrosés des laboratoires.

Les œuvres de cette auteure se présentent comme une fusion avec la nature, en particulier Mirror Lake dans lequel Robert Moreau, un quinquagénaire retraité, fuit ses semblables mais qu'il retrouve dans la peau d'un ours ou d'un raton laveur. Elle ne raconte pas l'histoire d'un quelconque méchant loup qui veut dévorer la grand'mère du petit chaperon rouge. Les animaux du roman offrent l'occasion au héros de créer une dualité pour renouer avec son identité, tâche que met en péril le voisin importun à l'instar du médecin dans Les Catilinaires d'Amélie Nothomb. L'isolement, même volontaire, n'est pas sans risques comme l'a fait remarquer Matthieu Simard dans Llouis qui tombe tout seul. Les humains sont-ils des êtres grégaires ? La dynamique du roman s'aligne en ce sens. Elle fait ressortir notre appartenance à une culture commune. Tous peuvent se réclamer de Johnny Cash ou de Michel Louvain en passant par Stephen King et Jacques Ferron. La famille élargie du Québécois a étendu ses racines jusque chez nos voisins du Sud. Les protagonistes tissés sur le même métier ressemblent à des caricatures de BD qui stigmatisent ce que nous sommes.

Andrée A. Michaud a écrit un roman qui, comme une corne de brume, signale notre présence dans le brouillard de la vie nord-américaine. À travers de longues phrases bien articulées, l'auteure exprime la même compassion pour les angoisses métaphysiques à la différence que, cette-fois-ci, la mort ne vient pas régler le sort de ceux qui se cherchent une voie. Les personnages réussissent à s'accorder une paix d'usage par leur lucidité, qui fera sourire ceux qui apprécient l'esprit de dérision et qui savent reconnaître la fibre de la filiation dans la culture. Cependant l'ambiance fantastique à la Stephen King, qui prévaut dans les cent dernières pages, retient le déroulement de l'action dans un labyrinthe si complexe qu'il devient lassant à parcourir.