Bouchard,
Gérard.
Mistouk.
Éd.
du
Boréal,
2002,
503
p.
L'Utopie
saguenéenne
Entre
les
mythologies
amérindienne
et
américaine,
il
faut
placer
celle
du
Saguenay,
une
région
qui
aspirait
à
devenir
un
royaume,
dont
Chicoutimi
aurait
été
le
Chicago
du
Nord.
Ce
beau
rêve,
entretenu
depuis
l'incendie
dévastateur
de
1870,
s'incarne
à
travers
la
population
du
village
de
Mistouk
(Saint-Cœur-de-Marie)
et,
en
particulier,
à
travers
la
famille
de
Joseph
Tremblay
et
Marie
Gagnon.
Réunis
autour
du
curé
et
de
quelques
notables,
les
pionniers
établissent,
au
tournant
du
XXe
siècle,
les
bases
d'une
société
fondant
sa
subsistance
sur
l'agriculture
et
la
forêt.
Malheureusement,
leur
espoir
s'effondre
avec
la
Première
Guerre
mondiale.
Pourtant,
ils
ont
fourni
des
efforts
surhumains
pour
que
se
concrétise
un
pays
original
qui
porte
la
signature
d'hommes
et
de
femmes
qui
se
démarquent
de
leurs
voisins
autochtones
ou
états-uniens.
Gérard
Bouchard,
en
bon
ethnologue,
démontre
que
l'utopie
saguenéenne
s'inscrit
dans
un
créneau
différent
de
celui
des
ardents
défenseurs
d'un
Québec
à
la
française,
et
de
certains
membres
influents
du
clergé,
tels
le
curé
Labelle
et
Félix-Antoine
Savard,
qui
ne
conçoivent
qu'un
pays
agricole
fermé
sur
lui-même.
Mistouk
est
un
roman
ouvert
sur
le
monde,
où
la
mixité
fait
bon
ménage
comme
en
témoigne
son
héros
Méo,
le
fils
aîné
de
Joseph
et
de
Marie,
qui
partage
souvent
la
vie
des
différents
groupes
ethniques
de
l'époque,
y
compris
ceux
des
"
États
".
Comment
se
fait-il
que
le
"
royaume
du
Saguenay
"
ne
soit
devenu
qu'une
périphrase
pour
désigner
une
région
située
à
quelque
250
km
au
nord
de
Québec?
L'auteur
ne
répond
pas
à
cette
question,
mais
on
sent
que
la
faillite
de
ce
projet
libérateur
trouve
ses
assises
dans
l'étroitesse
de
vue
des
élites,
plus
préoccupées
de
s'enrichir
aux
dépens
des
villageois.
Leur
pauvreté
légendaire
découle
de
l'exploitation
éhontée
de
la
nécessité
de
survivre
par
les
entreprises
forestières.
Sans
compter
le
clergé
qui
prône
une
société
presque
théocratique
au
service
d'une
Église
désireuse
de
se
donner
du
standing
en
se
faisant
construire
des
églises
et
des
presbytères
pour
rivaliser
avec
les
beaux
manoirs
des
spoliateurs
de
la
région.
Ce
rêve
de
bâtisseurs
sert
de
toile
de
fond
à
la
vie
de
Méo.
Né
à
Mistouk,
ce
personnage
démesuré
ne
parvient
pas
à
se
situer
dans
les
légendes
de
son
royaume.
Comme
une
girouette,
le
vent
le
fait
tourner
de
tout
bord,
tout
côté.
Il
délaisse
sa
famille
en
hiver
pour
accompagner
les
Montagnais
à
la
chasse
ou
il
se
rend
aux
États-Unis
qu'il
parcourt
d'est
en
ouest.
Il
est
facile
de
voir
à
travers
lui
l'image
d'un
Québec
en
quête
d'un
pays
affranchi
des
conquérants
anglais.
Méo
rappelle
le
François
Paradis
de
Louis
Hémon
et
le
Survenant,
le
dieu
des
routes
de
Germaine
Guèvremont,
autant
de
clins
d'œil
aux
écrivains
qui
ont
exploité
le
filon
de
la
tradition
immuable.
Comme
eux,
Gérard
Bouchard
fait
subir
à
son
héros
une
fin
tragique
pour
signifier,
peut-être,
que
nous
devenons
"
inmourables
"
seulement
si
nous
adhérons
à
un
idéal
qui
ne
soit
pas
calqué
sur
celui
d'autrui.
Cette
œuvre
sur
l'identité
québécoise,
aussi
pertinente
soit-elle,
est
loin
de
satisfaire
les
normes
de
l'art
romanesque.
Même
si
le
héros
sert
de
fil
conducteur
à
l'aventure
saguenéenne,
il
reste
que
c'est
très
décousu.
L'auteur
a
voulu
englober
toute
la
genèse
d'un
peuple
en
un
seul
roman
qui
aurait
dû
compter
plusieurs
tomes.
Trop,
c'est
comme
pas
assez.
Le
résultat
donne
une
chronique
trop
succincte
des
nombreux
faits
et
gestes
qui
ont
mené
à
l'avortement
d'un
royaume
annoncé.
L'empressement
du
narrateur
pour
faire
le
tour
du
sujet
atténue
la
saveur
de
ce
roman
d'époque
qui
se
termine
comme
un
polar.
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