Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Bergeron, Alain.

Phaos. Éd. Alire, 2003, 561 p.

L'Avenir de la cybernétique

Le Prix Boréal de la science-fiction a été accordé en 2004 à Alain Bergeron pour Phaos. Ce roman cyberpunk s'inscrit dans la tradition de Tron et de The Matrix. Une œuvre qui porte sur l'avenir de la cybernétique. D'ailleurs, l'action de Phaos se situe en 2086, à l'ère de l'Âge de la lumière.

Les consortiums d'envergure planétaire ont su profiter de l'esprit velléitaire des gouvernements démocratiques pour s'assurer du véritable pouvoir. Bush les a même rassurés en leur promettant de ne jamais prendre de mesures qui leur nuiraient. Dans un tel contexte, il est facile d'avoir la main mise sur la population terrestre et lunaire en ce qui concerne l'œuvre de science-fiction écrite par Alain Bergeron. La lune compte neuf millions d'habitants que la Thor Corp et la Synbad tentent d'asservir à leurs intérêts. La situation s'annonce même avantageuse à cause de la carence du système visant à satisfaire les besoins alimentaires de la population. Afin de remédier à ce problème, La Moon Institute of Technology a mis au point un psystème. P pour Phaos, une intelligence artificielle capable de préparer le correctif nécessaire. Œuvre manichéenne oblige, un ingénieur en fuite vers la terre a déjoué les mesures de sécurité pour s'emparer des plans fournis par le gadget afin de les vendre aux plus offrants. Évidemment, ce sera la course folle entre les deux consortiums pour s'emparer du document qui garantira leur suprématie.

Pour l'avenir, l'auteur n'envisagepas une technologie qui pourrait changer la mentalité primaire de nos dirigeants : cupidité et pouvoir. On est loin de George Orwell qui avait prédit la guerre entre les grandes puissances par pays interposés. Alain Bergeron n'a pas la clairvoyance de son prédécesseur, il répète les mêmes enjeux sociaux que nous connaissons. Il réintroduit le même ordinateur super puissant de 2001, l'Odyssée de l'espace. Ce n'est pas Phaos qui va éclairer notre avenir, sauf qu'il prévoit un encadrement technologique plus sophistiqué. Quand on connaît l'impact énorme d'un médium, il est curieux que l'on n'exploite pas la nouvelle manière d'être présent au monde. L'électricité, le téléphone, la radio et la télévision ont changé le contrat social. Marshall McLuhan, l'auteur de Pour comprendre les média, affirme même que la Seconde Guerre mondiale aurait été impossible sans l'exploitation des ondes radiophoniques.

Ce roman manque de vision. On transpose dans un futur pas très lointain ce que l'on connaît déjà. Rares sont les œuvres qui ont prévu le terrorisme international. Il y a cependant Camille Bouchard qui a annoncé dans Des larmes mêlées de cendres, l'attentat du 11 septembre à New York. En somme, Phaos m'est apparu très factuel. C'est plutôt un jeu de devinettes. Que pourra-t-on inventer dans l'avenir et comment pourra-t-on se servir de la cybernétique pour dominer le monde ? Même la mentalité des protagonistes n'a pas été approfondie. Ce sont des êtres sans profils. Les amateurs de science-fiction y trouveront certes leur compte, mais ceux qui s'intéressent à ce qui dépasse la quincaillerie risquent de s'ennuyer, surtout que ce roman est rempli de redondances. Bref, Phaos véhicule le rêve primaire de ceux qui veulent détenir le pouvoir grâce aux applications de la cybernétique.