Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Plante, Raymond.

Projections privées. Éd. La Courte Échelle, 1997, 222 p.

La Route du deuil

Les œuvres de Raymond Plante démontrent beaucoup d'humanité. Ses héros, comme ceux de Jacques Poulin, sont souvent des hommes d'une grande bonté. En somme, des êtres attentifs à ce que vit autrui. Dans Projections privées, Michel Laurier, un architecte qui approche la cinquantaine, perd sa femme France dans un accident de voiture. Depuis vingt-six ans, ils formaient une famille heureuse de St-Lambert, tout près de Montréal, où ils ont élevé leurs deux enfants.

Pour envisager l'aval d'un décès, l'amont se doit d'être débarrassé des digues qui empêchent la vie de suivre son cours. Dans le premier volet de ce diptyque, le héros revisite la vie qu'il a menée avec France en visionnant les cassettes VHS, témoins de leur bonheur. Dans le deuxième volet, il s'attaque aux soupçons apparus quelque temps avant la mort de sa femme, et qui laissent croire qu'elle menait une double vie. Excellente sportive, elle aurait été l'amante d'Anouk, sa partenaire de tennis, Le suspense tourne autour de cette enquête, un tantinet policière, visant à vérifier la véracité de cette allégation. Approcher celle qui détient la clé de l'énigme demande du doigté. Michel parvient quand même à l'apprivoiser suffisamment pour lui proposer de l'accompagner à Sept-Îles, où Anouk doit se rendre pour régler l'héritage de son père avec un frère qui a coupé tous liens familiaux depuis dix ans.

En parcourant les 800 km qui séparent cette ville de Montréal, Michel et sa passagère auront le temps d'ériger les ponts pour que la vie redevienne un long fleuve tranquille. La magie de la route 138, qui longe la rive nord du Saint-Laurent, opère presque infailliblement sur les cœurs en écharpe. Ici, elle n'assure pas la fuite devant l'adversité. Au contraire, elle offre les meilleures conditions possibles pour que le deuil s'accomplisse sans heurts.

Intelligemment charpenté, Projections privées dévoile la dynamique du deuil. Ce roman n'est pas un grand millésime, comme le sont Ce fauve, le bonheur de Denise Desautels ou Ma Mère et Gainsbourg de Diane-Monique Daviau, mais c'est un bon petit vin qui accompagne bien une journée pluvieuse.