Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Arcan, Nelly.

Putain. Éd. du Seuil, 2001, 187 p.

Les Carences parentales

Nelly Arcan a semé la controverse avec son roman dont le titre accrocheur pouvait à lui seul braquer sur elle l'attention des lecteurs. Plusieurs auraient bien aimé que l'étudiante qui se prostitue soit l'auteur de cette œuvre qui s'annonce comme révélatrice du milieu.

Il s'agit plutôt d'un roman dans lequel on présente une jeune femme qui en a marre de la vie. Elle s'en prend en premier lieu aux carences parentales. Elle aurait souhaité un père moins absent, empressé qu'il était d'exercer son métier de vendeur itinérant. Elle aurait souhaité aussi une mère moins effacée, qui riposte aux inconvénients de la vie. En somme, elle trace le portrait d'une famille qui, comme toutes les autres, compte son lot de frustrations.

Ces éléments furent suffisants pour que l'héroïne développe une aversion envers tous les hommes. Quand elle les reçoit comme clients, elle évite surtout la position du missionnaire pour ne pas les voir de face. Dans le fond, elle les condamne de lui rappeler son père, à qui elle tient rigueur de ne pas avoir été son premier amoureux. Ses relations avec les femmes ne sont pas davantage meilleures, car elle leur reproche d'accepter l'amour qu'elle rejette.

Ce roman est une illustration des données psychologiques que l'on détient sur les relations qu'entretiennent les filles avec leurs pères. De nos jours, les parents doivent avoir le dos large. Étant donnée la fragilité des êtres que l'on met au monde, on peut comprendre leurs reproches. On idéalise tellement les adultes que certains ne se remettent pas de leurs défaillances.

C'est une œuvre fascinante dans la mesure de notre intérêt pour les mystères de l'être humain. On aurait pu la qualifier de réussite totale si l'auteure n'avait pas laissé exploser sa plume comme un volcan. Ce sont de longues phrases enflammées, qui tiennent lieu de purification pour le mal à l'âme de la jeune héroïne. À comparer avec Borderline de Marie-Sissi Labrèche et Le Sexe sale de Pauline Gélinas.