Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Lavoie, Christiane.

Quand vient l'absence. Éd. Le Grand Fleuve, 2001, 238 p.

La Sénilité
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Qui peut oser prétendre qu'il connaîtra une belle vieillesse? Personne n'est à l'abri d'un accident cardio-vasculaire, d'une perte d'autonomie et, encore moins, de la sénilité. L'âge d'or devient rapidement un âge d'enfer, surtout si, par malheur, on doit se loger à une nouvelle enseigne.

Christiane Lavoie aborde ce problème qui devient de plus en plus épineux dans une société qui ne jure que par la performance. Pour que son récit soit des plus crédible, elle a transplanté son sujet au sein de sa famille nombreuse, les Lavoie du quartier Sainte-Rose à Laval. Sans pudeur, elle suit sa mère dans le dernier sentier de sa vie. C'est un moment de révolte pour l'auteure, qui est décontenancée par la démence de celle qui lui a donné la vie. Quand vient l'absence des fonctions intellectuelles, la victime s'enferme dans une bulle qui l'isole d'autrui. C'est une situation déchirante pour les proches qui se voient ainsi exclus du monde de celui ou de celle qu'ils aiment. C'est le drame vécu par tous les membres de cette famille unie qui se reprochent d'avoir manifesté trop de pudeur à l'égard de leurs sentiments filiaux.

L'auteure braque uniquement son projecteur sur les manifestations attribuables à cette dégénérescence et à ses conséquences. Narré à deux voix, le récit exprime la perception de la situation par la famille, dont l'auteure se fait le porte-parole, et aussi par la mère, consciente à sa manière du fatum qui l'afflige. L'alternance des narrateurs, que l'on distingue à leur niveau de langage, amène un effet de miroirs instructif qui démontre éloquemment que la communication avec une telle victime débouche sur la quadrature du cercle. Une écriture efficace soutient cette œuvre, qui serait restée touchante, même sans l'épilogue.