Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Raimbault, Alain.

Roman et Anna . Éd. Hurtubise HMH, 2006, 189 p.

Se venger d'une lesbienne

Alain Raimbault est un immigrant français qui s'est établi à Halifax. Cette ville sert de toile de fond à son roman ancré dans le monde des arts. L'héroïne, une océanographe débarrassée d'un angiome grâce au laser, s'inscrit à des cours de dessin. Rejetée à cause de sa vilaine tache de vin, elle espère enfin nouer des liens avec autrui. Elle se rend vite compte que l'être humain aime vivre seul sur son île perdue en plein centre-cille.

Anna s'intéresse surtout à la grâce des formes pour suppléer au handicap qui l'enlaidissait. Les modèles qui posent nus pour les étudiants servent de premiers jalons pour se donner confiance en elle. La beauté de leurs corps renvoie à la sienne que lui a rendue la technologie. Cette identification est sans dangers si les sentiments sont absents de l'observation. Mais Vanessa, le modèle féminin, s'emploie à transgresser la plasticité de son corps pour exercer son pouvoir sur les émotions d'Anna. Elle parvient à lui simuler un intérêt qui dépasse le cadre de son travail. Prise au jeu, l'héroïne accepte cet amour, qui meurt aussitôt le modèle rassasié par sa victoire. Cette trahison exige réparation. Anna se déniche un Rodrigue pour l'aider à défendre son honneur en la personne de Roman, le modèle masculin, qui travaille au Musée des Beaux-Arts. Cet immigrant roumain au parcours sinueux est son antithèse, mais il se laisse quand même approcher par cette femme ambivalente qui ne veut pas ressembler aux personnages en attente dans les toiles de Hopper. C'est une vorace dont l'appétit causera la perte.

L'écriture englobe, dans un magma, les désirs foudroyants de l'héroïne qui veut profiter à n'importe quel prix de sa nouvelle apparence. Dans le second volet, la vengeance qui se prépare autour d'une exposition d'œuvres d'art se présente sous une facture plus classique afin de trancher entre le monde des sentiments et de l'offense à réparer. Malheureusement, c'est une œuvre plus ou moins convaincante. L'auteur ne parvient pas à transcender l'anecdote pour l'amener à éclairer une facette universelle de l'honneur à préserver, comme Martine Desjardins avait réussi à le faire dans L'Évocation et Pierre Corneille dans Le Cid.