Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Barcelo, François

Route barrée en Montérégie. Éd. Libre Expression, 2003, 172 p.

Des Texans découvrent le Québec

Rares sont les romans québécois qui sont redevables à l'hiver. Il y a bien Jean Désy et Hélène Le Beau qui ont tiré parti de cette froide saison, mais ce sont les exceptions qui confirment la règle. François Barcelo, qui exploite nos particularités depuis plus de 25 ans, vient de consacrer sa dernière œuvre à ces mois de l'année qui tiennent la population en otage dans leurs logis.

Le héros, Benjamin Tardif, revient du Texas avec une noire et un blanc. On passe la frontière comme une lettre à la poste même après les incidents du 11 septembre 2001. Comme dans un road novel, Benjamin s'amène à Montréal sans suivre le chemin le plus court afin de familiariser ses deux passagers aux paysages québécois. Voilà qu'à 50 kilomètres de leur destination, ils deviennent prisonniers d'une tempête de neige, qui les oblige à trouver refuge dans un petit village qu'ils doivent atteindre en traversant la rivière Richelieu sur la glace. Ce chemin improvisé n'est pas très inspirant quand on est originaires du sud des États-Unis. Mais comme dit le héros pour rassurer les deux Texans : " La glace, ça peut supporter un Boeing 747. "

Cette amorce débouche sur une histoire abracadabrante d'une drôlerie irrésistible. Et l'auteur a un pif incroyable pour intégrer à la trame de son roman les incidences hivernales sur notre quotidien comme les randonnées en motoneige sur la glace des rivières. On se sent vraiment au Québec. Bref, le héros et la belle Texane trouvent à se loger dans la maison d'un villageois décédé soi-disant récemment alors que le Texan se rend chez un propriétaire de porcheries, fort nombreuses dans la région, en l'occurrence la Montérégie.

Le dilemme est de savoir si le héros et sa sensuelle compagne, qu'il aime par-dessus tout, pourront s'installer définitivement dans la maison de ce villageois qui s'est noyé, dit-on, en traversant la rivière sur la glace. Il faut négocier avec l'héritière, qui n'est pas au courant que son défunt mari était relié à une organisation criminelle. Ainsi le roman bifurque de l'hiver aux activités des bandes de motards. C'est l'occasion pour l'auteur d'exploiter l'actualité, dominée alors par le procès des membres des Hells' du chapitre de Montréal. Cette intégration des repères québécois va de paire avec le fait français, qui surprend les deux Texans, ignorant que l'on parlait cette langue en Amérique.

Ce roman inspiré du Québec profond nous repose des œuvres d'introspection qui inondent la littérature actuelle. C'est une œuvre intéressante, mais limitée à une lecture légère. Par contre, il faut reconnaître que le talent de ce conteur peut soulever l'enthousiasme de nombreux lecteurs.