Magini,
Roger.
Styx.
Éd.
de
la
Pleine
Lune,
2000,
92
p.
Les
Aventuriers
modernes
Lambert,
un
ex-combattant
de
la
guerre
d'Indochine,
s'est
établi
à
Sainte-Luce-sur-Mer,
village
blotti
contre
le
Saint-Laurent.
Les
longues
marches
le
long
de
ce
fleuve
occupent
ses
journées
en
compagnie
de
Coré,
une
amérindienne.
Un
beau
jour,
ils
vont
trouver
sur
la
grève,
le
corps
mutilé
d'un
navigateur
encore
vivant,
qui
participait
à
la
Transat
Québec-Saint-Malo.
Le
titre
rappelle
Palinure,
le
capitaine
du
bateau
d'Énée,
qui,
tombé
à
la
mer,
eut
le
corps
abîmé
et
refoulé
sur
les
rives
du
Styx.
Son
nom
inspira
Magini,
qui
le
transforma
en
Palino
pour
désigner
le
naufragé
de
son
roman.
La
comparaison
s'arrête
là
avec
l'œuvre
de
Virgile.
L'auteur
s'en
sert
pour
dénoncer
les
aventuriers
modernes,
ces
"
fêlés
de
la
terre
",
qui
risquent
leur
vie
en
gravissant
les
sommets
les
plus
élevés,
en
sillonnant
les
immensités
glacées,
et
qui
"
achèvent
leurs
prétentieuses
randonnées
dans
un
bain
de
champagne
"
s'ils
n'en
meurent
pas
suite
à
leur
témérité.
Lambert
traîne
donc
le
corps
de
Palino
chez
lui
pour
décortiquer
la
mythologie
qui
illustre
la
dimension
illimitée
de
l'être
humain.
Le
héros
fait
découvrir
à
son
naufragé
l'envers
de
la
médaille.
"
Vos
exploits
me
gênent,
dira-t-il,
cette
sensation
de
vous
admirer,
de
vous
contempler
dans
un
miroir.
"
Derrière
la
force
des
supermen
plane
plutôt
le
spectre
de
la
mort.
Mettre
sa
vie
en
péril
pour
prouver
sa
force
de
caractère,
c'est
se
transformer
en
"
héros
négatifs
".
Dans
le
cadre
d'un
rituel
mortuaire
et
érotique,
Palino
devient
celui
qui
défraie
les
audaces
des
aventuriers
et
aussi
les
cauchemars
de
Lambert,
dont
la
conduite
en
Indochine
est
identifiée
aux
pires
horreurs
commises
pendant
la
guerre.
Comme
Perkens
dans
La
Voie
royale
de
Malraux,
il
a
réalisé
qu'
"
on
ne
fait
jamais
rien
de
sa
vie.
"
Toutes
les
passions
connaissent
leur
Waterloo.
Magini
monte
ainsi
un
univers
désespérant.
Son
héros,
qui
a
emprunté
naguère
cette
voie
si
peu
royale,
tente
de
faire
comprendre
à
son
naufragé
avant
de
mourir
que
l'on
n'assume
pas
son
humanité
en
défiant
la
mort.
La
fatuité
qui
porte
à
l'exploit
conduit
plutôt
au
choix
de
son
tombeau.
C'est
ainsi
que
la
mer,
par
exemple,
recèle
des
trésors
qui
se
sont
rendus
inutiles.
À
l'inverse
de
L'Histoire
de
Pi
de
Martel,
oeuvre
orientée
à
la
verticale,
Magini
observe
le
plan
horizontal
d'une
humanité
à
laquelle
on
ne
doit
pas
s'offrir
comme
épaves.
Avec
une
plume
magnifique
et
parfois
lyrique,
l'auteur
situe
l'homme
dans
un
univers
qui
ne
doit
pas
le
pousser
vers
les
extrémités
où
se
loge
le
barbarisme.
Il
a
écrit
un
petit
chef-d'œuvre
de
90
pages,
riche
en
réflexions,
dans
lequel
le
héros
tient
pompeusement
cependant
le
rôle
de
célébrant
entre
Perkens
et
Palinure
comme
acolytes.
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