Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Barcelo, François

Tant pis. VLB éditeur, 2000, 213 p.

Un ferry-boat à la dérive

Il s'agit d'une histoire maritime impliquant un petit ferry-boat, qui fait la navette entre deux villages sis sur les bords du Richelieu. C'est la vengeance qui déclenche les péripéties que vont vivre les trois passagers du bateau. Un mari violent administre une raclée au pilote, qui a protégé sa femme contre ses sévices. Pour satisfaire sa fureur, il coupe en plus les amarres du bateau.

Ce dernier entraîné par le courant se retrouve sur le fleuve Saint-Laurent sans que personne ne devine qu'il s'agit d'une dérive. Seul le pilote blessé tente de le récupérer sur une moto-marine après avoir fui l'hôpital. C'est une course folle hilarante entre lui et son ferry-boat. Et à bord, les passagers finissent par se faire du souci du fait que le périple progresse rapidement sur un cours d'eau qui se jette à la mer.

L'un d'eux s'inquiète même grandement. Devenu professeur sans avoir étudié et enfin agent d'immeubles pour se rendre la vie plus facile, Martin Guertin n'est pas homme à affronter le péril. L'autre passager, c'est Trefflé Yelle, un vieux cycliste taciturne. Martin compte sur lui pour que l'on s'en sorte, mais c'est bien en vain. Si son silence est tenace, son inaction l'est autant. Et, en plein automne, le ferry-boat atteint l'île d'Anticosti à la porte de l'océan Atlantique.

Ce huis clos obligé les amène à jeter un coup d'œil sur la société et ses valeurs. On égratigne au passage les étudiants qui rêvent de retraite dorée, les politiciens obtus, l'Armée canadienne aussi brillante qu'un cabot souffrant de déficience, les policiers tatillons. Bref, une galerie de personnages facilement identifiables. Le portrait est juste et sans méchancetés. L'auteur veut détendre ses lecteurs, et son objectif est atteint avec brio. Mais son plus grand mérite, c'est de rendre crédible cette histoire invraisemblable.

Avec François Barcelo, il faut s'attendre à ce qu'il lance à la fin une piste de réflexions. Son dénouement est exemplaire à ce sujet. Pendant que l'on se réjouit pour la passagère clandestine, l'œuvre se termine par une image forte de nos tiraillements politiques. On sent bien que Tant pis prône le rapprochement entre les factions.