Courtemanche,
Gil.
Une
belle
mort.
Éd.
du
Boréal,
2005,
208
p.
Les
Fins
dernières
La
figure
paternelle
représente
une
énigme
que
Gil
Courtemanche
décortique
avec
une
sincérité
qui
en
décoiffera
plus
d'un.
Il
s'emploie
à
descendre
de
son
socle
ce
père
que
nous
devrions
aimer,
mais
qui
personnifie
la
source
de
nos
frustrations.
En
Occident,
il
apparaît
comme
l'obstacle
majeur
auquel
il
faut
se
mesurer
pour
devenir
adulte.
L'amour
qu'il
devrait
susciter
se
transforme
souvent
en
haine
chez
le
rejeton
qui
se
sent
victime
de
son
despotisme.
D'ailleurs,
l'auteur
le
compare
à
tous
ces
pères
du
peuple,
de
Staline
à
Duplessis,
qui
ont
dirigé
au
doigt
et
à
l'œil.
Sous
leur
gouverne,
les
familles
forment
des
états
assujettis
à
leur
volonté.
Même
si
le
bien
des
leurs
dicte
leur
conduite,
ils
incarnent
les
hommes
à
abattre,
tel
que
Freud
l'a
démontré
avec
son
fameux
complexe
d'Oedipe.
Les
enfants
issus
de
ce
contexte
passent
leur
vie
à
vouloir
régler,
en
vain
la
plupart
du
temps,
les
différends
qui
les
opposent
à
leurs
géniteurs,
comme
le
rappelle
Mô
Singh
dans
Crève,
maman.
Souvent
sans
l'avouer,
leur
mort
est
attendue
avec
impatience
pour
que
s'accomplisse
la
suite
du
monde.
C'est
le
canevas
qui
soutient
le
drame
d'André,
l'aîné
d'une
famille
de
dix
enfants.
Réunis
chez
leurs
parents
à
Noël
et
au
Jour
de
l'An,
chacun
se
sent
concerné
par
la
fin
prochaine
du
chef
de
la
meute,
atteint
par
la
maladie
de
Parkinson.
Contrairement
aux
héritiers
du
laboureur
de
La
Fontaine,
ils
veulent
régir
son
départ
sans
l'avis
du
principal
intéressé,
encore
lucide.
Divisés
en
deux
clans
à
ce
sujet,
les
"
bouddhistes
"
aimeraient
qu'on
laisse
la
vie
suivre
son
cours
tandis
que
les
"
médicaux
"
voudraient
qu'on
l'endigue
pour
la
prolonger.
Quant
au
héros,
il
s'exprime
en
faveur
d'une
fin
en
harmonie
avec
ce
que
son
père
a
toujours
aimé
:
manger,
boire,
pêcher
et
diriger.
Malgré
son
aversion
pour
lui
à
cause
des
injustices
dont
il
fut
victime,
il
envisage
un
départ
qui
respecte
ses
volontés
au
risque
de
réduire
son
espérance
de
vie.
Avec
la
complicité
tacite
de
la
mère
et
la
participation
du
neveu,
il
entreprend
d'abréger
l'existence
dérisoire
de
son
père
en
le
gavant
de
pâtés
de
foie
gras,
de
fromages
et
de
bons
vins.
Sous
forme
déguisée,
cette
apparente
compassion
cache
une
mort
assistée
sans
le
consentement
du
moribond.
Ce
choix
pose
la
question
controversée
de
l'euthanasie,
d'autant
plus
que
c'est
celui
d'un
fils
révolté.
Pour
atteindre
son
objectif
mortifère,
André
doit
fréquenter
davantage
l'homme
qu'il
hait.
Ce
rapprochement
favorise
un
approfondissement
de
ses
relations
filiales.
Sa
réflexion
l'amène
à
être
finalement
heureux
de
cette
descendance
parce
qu'il
réalise
qu'il
a
hérité
de
la
fierté
et
de
l'indépendance
d'esprit
de
son
père.
Si,
par
ailleurs,
la
mère
a
toléré
la
violence
d'un
mari
despote,
c'est
que
derrière
les
apparences
se
cachait
un
véritable
amour.
En
bonne
catholique,
elle
a
arrondi
les
angles
pour
que
son
rêve
de
jeunesse
demeure
une
réalité,
même
dans
la
tourmente.
Grâce
à
sa
future
femme
surtout,
le
héros
sexagénaire
trouve
une
certaine
sérénité
parce
qu'il
se
sent
le
témoin
privilégié
de
la
"
révolution
tranquille
"
de
tout
un
peuple,
dont
le
père
est
un
jalon
de
l'évolution,
et
le
neveu,
le
nouvel
échelon
d'une
génération,
moins
esclave
de
la
rectitude
qui
tue.
Telle
la
philosophie
de
Heidegger,
ce
roman
renvoie
à
notre
finalité.
L'occulter
soulage
l'angoisse,
mais
le
silence
n'a
rien
d'éloquent
quand
il
sert
de
refoulement
aux
sentiments.
En
somme,
il
s'agit
d'une
méditation
infiniment
triste
et
touchante,
qui
démasque
les
craintes,
les
préjugés
et
les
clichés
que
nous
entretenons
à
l'égard
des
conséquences
funestes
de
la
maladie.
Cependant
il
ne
faut
pas
être
dupes
de
l'argutie
de
l'auteur
pour
défendre
une
thèse
de
casuiste
qui
veut
justifier
un
acte
que
d'aucuns
jugeront
répréhensible.
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