Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Mistral, Christian.

Valium. Éd. XYZ, 2000, 281 p.

Un jeune écrivain en quête de lui-même

Les jeunes de la vingtaine sont au cœur des analyses de nombreux écrivains nés au cours des années 60 et 70. En fait, ils établissent un bilan de ce qu'ils ont vécu alors qu'ils parviennent à la quarantaine. Que l'on pense à Patrick Brisebois avec Que jeunesse trépasse, à Hélène Bard avec Les Mécomptes, à Guillaume Vigneault avec Carnet de naufrages. Les titres sont révélateurs de ce qui se dégage de ces œuvres. On ne sort pas de la vingtaine sans perdre quelques plumes. Comme l'écrit Christian Mistral lui-même, " les hommes doivent un jour ou l'autre renoncer à leurs rêves d'enfance pour, tout bêtement, devenir des hommes. "

En attendant ce passage, les héros font un effort de lucidité pour comprendre la société dans laquelle ils doivent s'impliquer. Leurs constats les dépriment, car ils sentent " l'imposture de ce monde asservi qui choisit d'ignorer sa servitude. " Devant cette situation qui ne répond pas aux aspirations angéliques propres à leur âge, leur équilibre est mis à rude épreuve. Quand ils ne recourent pas au suicide pour satisfaire leur besoin de pureté, ils se réfugient dans l'alcool pour oublier leur démission " avant même de mettre l'épaule à la roue, la roue de l'histoire " qui leur " broiera les os de toute façon. "

Valium s'inscrit dans cette veine qui illustre la crise des jeunes à l'aube des engagements de la vie adulte. Pour le héros, l'auteur lui-même, il ne fait pas de doute que l'amitié est au cœur de ses préoccupations afin de suppléer à sa solitude. Il s'entoure donc d'êtres qui l'aiment, en l'occurrence, un colocataire et deux femmes qu'il a connues grâce à sa nouvelle notoriété comme écrivain. Il leur offre une image complaisante de ses maux de l'âme. Il reste que c'est un héros comblé, qui considère le bonheur comme un " attrape-couillon ".

À vingt-quatre ans, il est normal de se considérer comme le centre de l'univers. Ce narcissisme n'est qu'apparent. Derrière le portrait de ce héros déplaisant se cache un homme fragile, un homme qui, dans sa quête de sens, sent le besoin de tout détruire. Sa rédemption passera par l'écriture. Une écriture qu'il veut exceptionnelle pour se donner l'assurance d'être quelqu'un. Heureusement, son cheminement le conduit vers autrui qu'il apprend à découvrir douloureusement. C'est la mort qui révèle au héros l'importance de l'autre, des femmes en particulier qu'il considère comme des monstres qui vampirisent les hommes. Une mort qui le ramènera à la case de départ. Cet angle ajoute une profondeur au roman, qui, autrement, serait une louange que l'on rend à soi-même.

C'est au moyen d'anecdotes que l'auteur trace son quotidien d'homme angoissé, à qui l'alcool et les femmes servent de béquilles à la manière des antidépresseurs, tel le valium bien connu au Québec. Son récit linéaire montre donc un héros qui cherche à s'accomplir dans un microcosme composé d'ami(e)s intimes. Les péripéties qui amènent à l'éclatement de ce cercle sont racontées avec une plume très originale. Même si le préambule souligne la modestie de l'auteur, le reste de l'œuvre prouve le contraire. Il s'agit d'une macédoine composée de lettres d'amour, de poèmes, d'argot, de québécismes, d'humour, d'envolées poétiques, d'écumage du dictionnaire, de références littéraires et d'éléments informatifs. Bref, ça sent l'esbroufe.