Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Bouchard, Roxanne.

Whisky et Paraboles. Éd. VLB, 2005, 275 p.

Jeune femme en quête de valeurs

Autour de la trentaine, les jeunes auteurs établissent souvent le bilan de leur jeunesse. Marie-Hélène Poitras l'a fait récemment dans La Mort de Mignonne. Roxanne Bouchard s'est aussi consacrée à cette tâche, mais avec moins de crédibilité que sa consœur. Son roman tente d'interpréter le désœuvrement des rejetons des baby-boomers qui s'étiolent au volant de leur voiture ou un verre à la main s'ils ne se suicident pas. C'est le cas d'Élie, l'héroïne de Whisky et Paraboles, qui fuit la région de Lanaudière pour la Gaspésie. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on considère l'ailleurs comme les prémices du salut. Enterrer les cendres de son passé pour ressusciter à un mieux-être comme si la réincarnation était d'emblée positive.

Élie réalise rapidement que les kilomètres parcourus ne réduisent pas la distance qui la sépare d'elle-même. Les maux de l'âme ne s'apaisent pas avec du whisky. C'est au contact d'autrui que l'on reconnaît les paraboles de vie. Grâce à Agnès, elle découvre le sentier du bonheur. En tentant de répondre aux besoins affectifs de cette fillette maltraitée, l'héroïne entrevoit le rôle qui lui est impartie dans la vie. Elle s'inscrit alors dans un chapitre de l'histoire de l'humanité comme mère adoptive pour que sa protégée ne soit pas acculée comme elle au pied du mur. En somme, le diagnostic de l'auteure porte sur la perte de nos valeurs. La génération lyrique des années 1960 les avait rejetées au profit d'un état providentiel censé combler tous les besoins. Mais l'être humain ne carbure pas uniquement au matérialisme. Il faut se réapproprier son essence, comme le clamait Gaston Miron dans L'Homme repaillé.

Ce roman fait entendre un son de cloche peu habituel dans les sociétés qui ont balayé du revers de la main la maternité, l'engagement et la foi. Le rappel à l'ordre risque de ne pas être entendu. Ce n'est pas tellement le retour à nos racines patrimoniales qui déplaît que l'énoncé du message. Sous forme de faux journal, l'œuvre, émaillée de clins d'œil aux auteurs québécois, est dégingandée tout en s'enguirlandant très maladroitement d'envolées oniriques, censées révéler la face cachée de l'être humain. Tous les ingrédients sont réunis pour éveiller l'intérêt, surtout de la droite religieuse, mais le plat n'a pas mijoté suffisamment longtemps avant d'être servi.